Quand la proximité facilite l’autonomie : l’attachement

Je l’évoquais dans un article présentant les orientations de la parentalité positive, et je souhaite aujourd’hui approfondir ce sujet qui me tient vraiment à cœur et qui constitue une des bases fondamentales de mon travail.

Qu’est-ce que l’attachement ?

Les neurosciences affectives et sociales confirment aujourd’hui ce que John Bowlby affirmait en 1959 :

La relation mère-enfant est aussi vitale pour le développement général du bébé que les vitamines ou les protéines pour le développement physique.

L’attachement est un phénomène universel dans l’espèce humaine qui contribue à la survie de l’enfant en assurant sa protection par des adultes. « Etre attaché-e à quelqu’un » signifie qu’en cas de détresse, je vais me tourner vers cette personne spécifique pour me sentir en sécurité.

Un bébé ne peut pas ne pas s’attacher

Sauf exception, quelles que soient les réponses des adultes qui s’occupent de lui-d’elle, il-elle s’y attachera.  Dès sa naissance, il-elle cherche à obtenir la proximité dont il-elle a besoin en faisant des gazouillis, des sourires, en pleurant ou tendant les bras, et dès qu’il-elle le peut, en se déplaçant : avez-vous remarqué ses réactions dès que vous vous éloignez ? Votre présence chaleureuse et bienveillante l’aide à réguler ses émotions, développe son empathie, et facilite le développement de ses compétences : l’attachement qui se tisse progressivement entre un enfant et sa figure d’attachement construit la base de sécurité qui lui permettra d’oser l’exploration.

De la détresse à la sécurité

L’enfant n’est pas manipulateur, coquin ou chipie et il ne fait pas de caprices : il crie et pleure parce que son cerveau n’est pas encore pleinement développé et qu’il n’a pas d’autre moyen de signaler qu’il éprouve des sensations désagréables et a besoin d’aide pour se sentir à nouveau confortable. La détresse peut venir de l’intérieur ou de l’extérieur et peut très vite prendre de l’ampleur (1). Faim, froid, sommeil, peur de l’inconnu ou de personnes étrangères, éloignement subi de sa figure d’attachement, etc. : seule la proximité peut apaiser un bébé. Ecoute chaleureuse et bienveillante, contact et protection permettent au bébé d’associer sa figure d’attachement à des sensations de sécurité comme la détente, le calme et la relaxation. La figure d’attachement principale est la personne qui répond le plus adéquatement et le plus rapidement aux besoins de l’enfant, en général, le parent qui passe le plus de temps avec l’enfant. Quand elle est disponible, cohérente, aimante, le bébé apprend qu’il-elle a le droit de ressentir que ça ne va pas, qu’il-elle vaut la peine d’aller mieux. Il-elle peut supporter d’explorer les causes de sa souffrance et sait qu’il existe des personnes à l’extérieur qui pourront supporter de le-la voir allant mal, vulnérable, dans le besoin de réconfort ou d’aide, sans indifférence, ni rejet, ni rétorsion. Il-elle expérimente que c’est moins difficile d’avoir une aide pour explorer pourquoi il-elle va mal et trouver des solutions.

Du côté du parent, le caregiving

Le système n’est pas à sens unique : si le parent a vécu un attachement sécure dans son enfance, son cerveau s’activera dans les zones du caregiving et déclenchera une sécrétion d’ocytocine dès que son enfant manifestera de l’inconfort. Cela lui permet de se rendre émotionnellement disponible pour aider l’enfant à surmonter sa propre détresse : il perçoit et interprète ses expressions et y répond naturellement sur le même registre émotionnel, en accentuant et en ralentissant son expression. L’enfant se sent compris, sans être submergé par l’émotion du parent. En fonction de l’âge de l’enfant, le parent apporte une solution concrète au problème de l’enfant (1-2 ans), prend les deux rôles dans le processus de résolution de conflit (2-4ans) ou laisse l’enfant prendre son propre rôle. Le parent soutien l’exploration de l’enfant en lui laissant l’initiative, sans intrusion et en respectant son rythme : il s’agit de répondre aux besoins de l’enfant de telle sorte qu’il se sente en sécurité et autonome. Cette sécurité affective se maintient généralement à l’âge adulte et concerne environ 52 % de la population générale (2). Ce qui veut dire que nous sommes actuellement 48% à avoir des difficultés à vivre l’intimité et à éprouver des difficultés à nous laisser soutenir en cas de besoin. Cela veut également dire que lorsque notre bébé va manifester un besoin, notre cerveau, au lieu de sécréter de l’ocytocine, va sécréter des hormones de stress et qu’il pourra être très éprouvant de vivre auprès d’un enfant ! Heureusement, tout n’est pas perdu.

Entre proximité et exploration : des besoins qui évoluent

Le bébé est fortement attiré par la nouveauté et par les éléments de son environnement, parfois jusqu’à faire passer cette exploration avant le besoin de manger ! Cette curiosité l’aide à apprendre, à comprendre son environnement et améliore ses chances de survie. C’est un va et vient incessant entre exploration et base de sécurité : s’il va trop loin, l’enfant ou sa figure d’attachement, vont rétablir la proximité adéquate, gage d’une exploration en sécurité.  Dès qu’il commence à se déplacer, il part en exploration et se contente de savoir qu’en cas de besoin sa figure est disponible. A partir de 3 ou 4 ans, savoir qu’elle est accessible peut suffire, jusqu’à prendre de plus en pus d’autonomie. A presque 15 ans, ma fille passe la majorité de son temps dans sa chambre. Pourtant, s’il n’y a personne d’autre qu’elle à la maison pendant plus de 2 ou 3 heures, elle n’est plus tout à fait à l’aise. C’est aussi ce qui fait que mon fils de 7 ans demande ma présence dès qu’il me voit occupée ailleurs trop longtemps : parfois, un commentaire sur ce qu’il vient me montrer ou clin d’œil peut suffire à rétablir la proximité dont il a besoin.

Ce n’est qu’après 2 ans que l’enfant commence à intégrer des objectifs de l’adulte, et peut commencer à s’engager dans des négociations avec lui  pour obtenir ou maintenir la proximité dont il a besoin. A partir de 3 ou 4 ans, il commence à contrôler ses impulsions et à comprendre ses propres sentiments, intentions, désirs, besoins… et ceux des autres.

Un enfant malade, fatigué ou dans un environnement inconnu aura davantage besoin de la proximité physique de sa figure d’attachement que lorsqu’il est en santé, chez lui. C’est une des clés qui m’ont aidée à comprendre qu’à 12 ans, alors qu’elle était habituellement à l’aise en société, ma fille aînée est restée tout près de moi, voire sur mes genoux dans les premiers moments d’une rencontre avec de nouvelles personnes, dans un lieu nouveau.

L’attachement ne rend pas dépendant

On repère la sécurité de l’attachement à la capacité de l’enfant à exprimer ses émotions, en particulier les émotions désagréables, de manière ouverte, à rechercher spécifiquement l’une de ses figures d’attachement et à se consoler rapidement. Il-elle tempête et crie en rentrant de l’école alors que l’enseignant-e vous affirme qu’il-elle fait preuve de calme et de sérieux en classe ? C’est qu’il-elle vous fait l’honneur de vous accorder sa confiance ! La sécurité de l’exploration se caractérise par l’intérêt curieux et prudent de l’enfant, comme mon fils de de 2 ans et demi qui évalue les risques avant de tenter une forte descente en draisienne, me demande de l’accompagner toute la descente, puis seulement la moitié avant de se contenter de mon regard confiant.

Bien loin d’interférer avec l’exploration, l’attachement la stimule et protège l’enfant de ses dangers. La confiance dans la disponibilité de la figure d’attachement constitue une sorte de tremplin pour affronter les défis et permet le développement d’une vraie autonomie : savoir ce que je peux faire seul-e et quand j’ai besoin d’aide.

Edith Fortin Muet

(1) Voir l’expérience de Blaise Pierrehumbert sur le rôle de l’angoisse de séparation dans l’attachement sécure.

(2) Tarabulsy (2000)

Pour aller plus loin

Photo : Audrey Xavier Brulu certains droits réservés

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