Quand les pleurs de mon enfant me mettent hors de moi

Quand j’ai reçu de mes parents ou de leurs remplaçants toute la sécurité affective dont j’avais besoin, je suis capable de la transmettre à mes enfants. Cela concerne environ 52 % de la population générale (1). Ce qui veut dire que nous sommes actuellement 48% à ne pas voir reçu cette sécurité affective et à éprouver des difficultés à vivre l’intimité et/ou à accepter de l’aide en cas de besoin. Si je suis dans ce cas, cela veut également dire que lorsque mon bébé va manifester un besoin, au lieu de sécréter l’ocytocine me permettant de lui répondre adéquatement, mon cerveau va sécréter des hormones de stress, me conduisant à reproduire le même comportement que mes parents. Comment stopper cette spirale infernale ?

Quand l’attachement n’est pas sécure

Enfant, quand mes demandes étaient majoritairement accueillies par de l’agressivité, du rejet ou de l’indifférence, j’ai pu apprendre qu’en montrant de la détresse, il n’y avait que des conséquences négatives. Lorsqu’elles étaient accueillies de manière imprévisible, j’ai pu avoir des difficultés à comprendre et à déterminer ce que je devais faire pour faire plaisir à mes parents. Enfin, s’ils m’ont humilié-e ou maltraité-e, je ne me sentais en sécurité ni avec ni loin d’eux et je ne savais pas quoi faire. Si j’ai vécu une de ces trois 3 situations (et nous sommes 1 sur 2 dans ce cas !), j’ai pu conclure au plus profond de mon cœur que je ne méritais ni amour ni affection, et j’ai probablement des difficultés à entrer en contact et à interagir avec d’autres personnes, ou à l’inverse, je peux créer des liens avec toutes sortes de personnes sans vérifier si ces relations sont bonnes pour moi. Vivre l’intimité me semble impossible, et je ne l’ai probablement encore jamais pleinement vécue. Si vous lisez ce texte, c’est probablement parce que vous souhaitez vivre autre chose, particulièrement en famille.

Les pleurs de mon enfant déclenchent des réactions de stress

Dès que mon enfant pleure ou manifeste un besoin, ce ne sont pas les zones du caregiving qui s’activent dans mon cerveau, déclenchant une sécrétion d’ocytocine. C’est le circuit du stress qui s’active : mon amygdale cérébrale prend le pouvoir et commande la sécrétion des hormones de stress. Adrénaline, cortisol, je suis en alerte, mon corps se mobilise, mon cœur bat plus vite : je me prépare à fuir ou à me battre, et si je ne peux pas, je me fige. Le stress, c’est une réaction physiologique d’adaptation à l’environnement. Malheureusement, si mon enfant pleure, changer de conversation, le-la laisser seule, gronder, menacer, frapper ou ne rien faire… ne sont pas des réactions adaptées. Il-elle a besoin d’une présence chaleureuse et empathique, que je mette des mots sur ce qui se passe, sur ce qu’il-elle ressent, que je l’aide à calmer son amygdale par le contact et en accordant le ton de mes paroles à son émotion, juste un cran plus calme, avec une voix douce. Il-elle a besoin que je l’aide à régler son problème. Ce que je ferais naturellement si j’avais moi-même vécu un attachement sécure.

Reprendre le contrôle

En pleine crise, quand je sens le stress monter, je peux m’arrêter. Ancrer mes pieds dans le sol, les genoux détendus, le bassin basculé vers l’avant. J’inspire… J’expire…. Profondément… Progressivement, mon cœur se calme… J’accède de nouveau à l’ensemble de mon cerveau. Si besoin, je peux m’isoler, m’offrir un moment pour me calmer moi. Si une personne de confiance se trouve à proximité, je peux lui confier mon enfant le temps d’aller marcher dehors, en conscience. Le temps de bouger, de pleurer, de crier, de trembler si j’en ai besoin. Dès que je suis à nouveau disponible, je me centre sur mon enfant et sur ses besoins, je l’aide à résoudre son problème.

C’est trop difficile ?

Chaque fois que je prends le temps de gérer mon stress, sans le reporter sur mon enfant, je renforce cette capacité dans mon cerveau, et elle devient de plus en plus accessible et facile. Je peux choisir de m’entrainer dans des moments calmes, notamment en pratiquant la pleine conscience ou la cohérence cardiaque une fois par jour, une fois par heure… Plus je pratique, plus j’y accède facilement en cas de crise, jusqu’à ne plus en avoir consciemment besoin. Au moment où j’écris cet article, j’entends mon compagnon qui commence à s’énerver pour une histoire de skate entre nos garçons de 3 et 7 ans. Je sens mon propre stress qui monte. Et subitement, contrairement à d’autres fois où ça a pu tourner à une dispute violente entre nous, il a simplement respiré une fois (à peine !) et son ton de voix, son regard ont changé. Quel soulagement pour tout le monde ! Mon ventre se dénoue, la crise se résout d’elle même.

Trouver des billes concrètes

Personnellement, ce qui m’a beaucoup aidée a été de rencontrer d’autres parents, d’échanger avec eux sur nos joies et nos difficultés, et de m’inspirer de leurs comportements qui me plaisaient. Rappelez-vous, vous n’êtes pas seul-e : nous sommes 1 parent sur 2 à vivre du stress face au comportement de notre enfant ! Lire des livres ou des articles comme vous le faites aujourd’hui m’a aussi beaucoup inspirée, ainsi que participer à des ateliers de parents comme ceux que j’ai la joie d’offrir en ce moment dans ma vie. Rappelons également que nos enfants sont amenés à côtoyer de nombreuses personnes et ne dépendent pas seulement de nous pour établir un lien d’attachement de qualité. Ainsi, le rôle des proches et des lieux d’accueil pour les enfants est-il très important pour établir des relations de qualité avec l’enfant… et nous soutenir dans cette démarche.

Plus que des billes, les chaudoudoux et la psychothérapie

L’écoute et le soutien que j’ai reçus des différentes personnes que j’ai rencontrées, autres parents ou formatrices, ont été décisives et m’ont amenée à oser entamer une psychothérapie. C’est de loin le plus beau cadeau que je me suis fait car cela m’as permis de réparer de nombreuses blessures et d’accéder à l’espace de calme et de plénitude à l’intérieur de moi, tel que je l’espérais dans mes premières démarches pour enfin vivre des aubes sereines. Le second cadeau que je me suis fait est d’oser offrir et recevoir des chaudoudoux : je le cultive et le savoure au quotidien, du clin d’œil – sourire que j’ai adressé à mon compagnon quand il a su faire baisser le stress ambiant ce soir aux « Merci » qui viennent du fond du cœur que me disent parfois mes enfants, en passant par ma pratique de plus en plus fréquente de l’auto-empathie et de l’auto-louange.

Je suis aujourd’hui très honorée et joyeuse de partager ce que j’ai découvert et d’accompagner des parents et des professionnels vers plus de respect et d’empathie envers eux-même et envers les autres, pour enrayer le cercle du stress et de la violence.

Edith Fortin Muet

(1) Tarabulsy (2000)

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